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L'odyssée de Tattum
11 juin 2005

Témoignage d'un guide malgache

Je suis tombée sur une nouvelle, sur le site de Delphine et Christophe, à priori basée sur des faits presque réels, une authentique pseudo-vérité...Euh... Une nouvelle d'Amédé donc! D' un guide malgache dans le parc national d'Isalo (au Sud) qui accueille un groupe de touristes qu'il va accompagner une semaine durant.
"Il est instructif de regarder les vazaha vous regarder avant d’être paré du titre prestigieux et respecté de Guide. Car dès lors, leur paternalisme post-colonial se change volontiers en infantilisme capricieux. Ils m’auraient spontanément tutoyé si je les avais abordés dans la rue. Tout à l’heure, une fois les présentations faites, ils me donneront naturellement du “ vous ”. Ils sont ainsi : ils ne respectent pas les hommes, mais les fonctions."
Quelque soit la frontière du réel dans cette histoire, elle m'amuse et me touche à la fois. En voici des extraits.
Avant-première d'un guide malgache: "Mais avant d’être leur point de référence et leur assurance tous risques, je ne suis qu’un malgache parmi des millions(...)". 
Premières observations: "Ça y est, je viens d’identifier les couples ! Il ne m’a pas fallu longtemps. J’ai l’œil. La brune, de façon méprisante, a fait un signe au barbu pour lui demander de se taire alors qu’il commentait joyeusement les explications du patron. Jamais on ne traiterait comme ça un ami. C’est donc son mari."
Devant le discours du patron
: "(..) ils auront bientôt pour moi un regard plein de tendresse, ne comprenant pas comment un homme aussi sympathique et compétent que moi peut être à ce point exploité par ce patron cupide."
" Je ne sais comment ils perçoivent le mensonge éhonté du patron sur mon salaire. La première fois qu’il avait joué cette comédie devant des clients, j’avais eu l’air  tellement surpris et révolté que les vazaha avaient éclaté de rire. Il m’avait fait payer cher son ridicule. Maintenant, en bon professionnel, je fais comme si; et passe même sur d’autres scandales du même tonneau (la sécurité, l’hygiène, la fraîcheur des aliments, l’âge des porteurs, etc...)."
Paroles du guide: "Pour nous, les guides de l’Isalo, être agréable aux vazaha est un métier qui s’apprend. Rien ne nous prédispose culturellement ou génétiquement à l’accompagnement de touristes occidentaux. Nous n’avons pour eux que le respect du client. Nous comprenons assez mal quelle fatalité nous condamne à porter leur multitude d’ustensiles inutiles à travers nos savanes et nos montagnes afin qu’ils puissent raconter à leurs congénères qu’ils ont vécu l’Aventure avec un grand A au milieu des sauvages à moitié nus."
"L’Isalo est ma terre natale. C’est une région qui attire les vazaha de tout pays.(...)Et nous, nous portons leurs sèche-cheveux, leurs matelas pneumatiques, leurs trousses de toilette et leurs livres."
Vision sciemment réductrice: "Car ces gens paient très cher le privilège de suer sous le soleil, manger du sable, souffrir de diarrhées, et ne pas fermer l’œil de la nuit à cause des pierres dans le dos et des moustiques sur la peau."
Les mots de l'amertume, sûrement véridiques quelque part sur cette terre, quelque part à Madagascar: "Les vazaha ont de l’argent et moi, Amédé, meilleur guide de l’Isalo, ai besoin de cet argent qui ne se trouve nulle part ailleurs à Madagascar. Que m’importe après tout que ces gens le gaspillent dans des entreprises absurdes. Je veux bien en récupérer ne serait-ce qu’une petite partie. Je n’éprouve même plus cette jalousie qui me tenaillait dans les premières années, lorsque j’avais abandonné mon poste à l’université de Fianarantsoa pour me lancer dans le tourisme."
Première leçon de cette nouvelle: on ne fait pas toujours ce que l'on veut dans la vie.." Il est cependant vrai que la première fois que je m’étais retrouvé dans le rôle du bon sauvage avec un groupe de vazaha qui avaient l’âge de mes élèves, je m’étais senti profondément humilié
."
Leçon n°2: ne vous fiez pas aux apparences. Ce n'est pas parce que vous êtes dans l'un des pays les pauvres que vous pensez tout savoir, tout connaître, tout maîtriser et que le gars en face de vous est nécessairement analphabète et moindre: "Imaginez que je leur raconte mes études, que je leur explique l’objet de mes recherches, que j’évoque les amphithéâtres pleins à craquer d’étudiants avides d’écouter mes enseignements. Imaginez que je leur fasse lire mes publications, qu’ils apprennent que j’ai refusé ce poste à Montpellier pour rester auprès de ma famille qui avait besoin de moi, qu’ils réalisent que je totalise plus d’années d’études supérieures qu’un groupe de quatre français !" Leçon n°3: l'habit ne fait pas le moine:" S’ils savaient que je force mon accent pour ne pas me trahir et que je m’impose une grosse faute d’accord toutes les dix phrases..."
En conclusion: " Je vois le cours inéluctable des jours, des semaines et des années. Je ne vois personne à qui parler. D’un côté mes compatriotes, de l’autre les vazaha. Les premiers s’accrochent aux seconds comme des insectes. Ces derniers se pavanent nonchalamment de par le monde comme les fauves dans la savane. Je me sens seul et surtout impuissant. Je ne sais pas comment cela va finir
.
"

Lire la nouvelle en entier, ça vaut le détour. La nouvelle, en général, est un style pas toujours évident à manier, mais si expressive quand elle est réussie et avec suffisamment de recul. J'en lisais plein sur le thème de la mer.

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Commentaires
T
oui,pas mal cette nouvelle,le hasard fait bien les choses!je cherchais autre chose et je suis tombée dessus.
E
Super, tu trouves toutes sortes de choses intriguantes. moi ces derniers temps, l'inspiration faut la chasser.
L'odyssée de Tattum
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