Ma destination préférée à Madagascar - part 3 -
La maison grouille de monde de tous âges, devant la porte
d'entrée, affairé dans la cuisine, ou encore prostré devant la télévision.
Le contraste est saisissant entre ce village au fin fond de Madagascar, à priori non équipé de réseau d'eau courante ni d'électricité, et cette antenne parabolique, symbole de l'ouverture sur le monde, effaçant toute notion de distance. Mais tout compte fait, l'ensemble de l'équipement fonctionne probablement au gaz et groupe électrogène, je n'ai guère vu de poteau aux alentours. Et les villageois semblent avoir accès libre aux fauteuils autour de la télé.
Les hommes, Fred, Micka et Ahmed rejoints par 3 autres, discutent dans un coin, au hasard de chiffres, de sous et de business. Avant de s'y installer, l'hôte de maison nous fait comprendre qu'il nous invite à rester déjeûner, le faisant comprendre d'un claquement de doigts en direction de la cuisine.
Au milieu de ce brouhaha, Zo et moi ne savons pas trop où
nous mettre. Nous nous asseyons tout d'abord avec les spectateurs, concentrés
sur un sitcom. Puis rapidement lassées, nous nous dirigeons spontanément vers
la cuisine, visible depuis le séjour, seul lieu où nous trouvons des femmes.
Quatre exactement. Habillées traditionnellement à l'indienne (vêtues du chalouar kamiz ?) et souriantes,
elles s'affairent, chacune préparant plusieurs mets qui donnent envie. Nous
sommes frappées par le nombre de plats pourtant déjà prêts, conservés sur une
table. Nous leur proposons de les aider, mais les gênant visiblement plus
qu'autre chose, elles nous font comprendre que la place des "invités"
était dans le salon et nulle part ailleurs.
Une heure plus tard, un véritable banquet est dressé dans le
coin salle à manger. Les hommes se lèvent alors et s'installent autour de la
table. Les femmes quant à elles, se sont éclipsées. On saisit aussitôt qu'hommes et femmes ne déjeûneront pas ensemble.
Zo: " Tu penses que les femmes vont manger ailleurs?"
Moi:
" Si c'est comme au Kenya, hommes et femmes mangent séparement
lorsqu'il y a des invités. Mais s'il y a discrimination outrageante, je te
préviens, je sors."
Au même moment, Ahmed nous invite à prendre place parmi eux...
En
fait, j'ai alors compris pourquoi il y a eu autant à manger, et tous
aussi délicieux les uns que les autres d'ailleurs: les hommes
assouvissent d'abord leur satiété, les femmes ensuite. Je dois
reconnaître que la notion d'égalité des sexes soutenue dans l'éducation
par mes parents me convient davantage. Ayant un père qui fait
naturellement la vaisselle, la cuisine ou même de la lessive au même
titre que tout le monde, je ne me ferai jamais au machisme
à la fainéantise sous excuse avec pour adjectif ironique "fort". Je
conçois toutefois les règles liées aux différentes cultures, cette
séparation hommes-femmes m'ayant été expliquée au Kenya en l'occurence,
ne m'avait guère choquée.
Toujours est-il que ça a été un pur festin.
Après
le repas, nous nous retrouvons à digérer devant la télé, la salle ayant
été désertée par la plupart des villageois. Fred, Micka et Ahmed se
sont éclipsés.
Une émission banale à prendre avec légèreté, qui nous
fait tout de même rire par moment, Zo et moi. Je réalise alors que les
autres hommes avec qui nous venons de déjeûner rient en échos à nos
réactions. D'un regard entendu et complice avec Zo - rare moment avec
elle -, nous les testons, nous mettant à sourire, pouffer ou rire sans
raison, et cela marche! Regarder la télé est une chose, comprendre ce
que l'on regarde, une autre. Echaudées par le principe que les femmes
doivent manger une fois les hommes repus, Zo et moi nous sommes données
à coeur joie! On appellera cela... la revanche de femmes. :)
Mais à force, nous avons réellement fini mortes de rire.
De Toliara à Manoy (cliquer pour agrandir)
15h.
Il est l'heure de repartir après avoir remercié Ahmed et les cordons
bleus. La piste n'est guère en meilleur état, devenant de plus en plus
sabloneuse, mais les baobabs se font plus nombreux. L'ambiance est
détendue, à rire des péripéties et frasques de Fred et Micka.
Nous
passons le village d'Antanimieva . Approchant du village d'après,
Befandriana (là où il y a beaucoup de lits), Fred nous propose de faire
une halte à Manoy en bifurquant une fois à Befandriana justement.,
"pour prendre un bon bain".
Moi: "comment ça un bain?"
Fred: "Il
y a une source à Manoy, et les villageois ont fait une installation
permettant d'acheminer l'eau. Il y a un endroit où l'on peut profiter
de cette source, pour s'y baigner."
Nous: "ben pourquoi pas alors."
Nous sommes accueillis par les enfants du village, tout sourire, nous interpellant de partout. Ils semblent reconnaître Fred et Micka, mais aiment nous appeler "vazaha, vazaha!", qui rappelons-le, signifie étranger avant tout.
D'aussi
loin que je me souvienne, Manoy est un village, perdu au fin fond de la
Grande Ile, mais charmant. La source était captée que pour les gens puissent
venir puiser facilement, ainsi qu'irriguer leurs cultures
insoupçonnées.
Le soleil est sur le chemin d'aller se coucher, couleurs idéales pour
les photos. Ma première envie a été d'acheter une bouteille de coca,
que l'on peut trouver partout à Madagascar, tout comme la bière locale
THB. Je suis littéralement rouge, rouge comme la terre de mon pays, de
la tête aux pieds. Littéralement recouverte de poussière, on ne
reconnaît plus vraiment les couleurs de mon tee-shirt, short ni même de
mes tongues. Je me cale ainsi sur la calandre du 4x4, ma bouteille de coca à la main, face au soleil couchant. fred me photographie ainsi sur le vif, je n'ai pas eu l'occasion de voir la photo, mais cela aurait fait une belle pub pour "Coca-Cola made in Gasikara"! :)
Puis l'air de rien, Fred et Micka se mettent à se déshabiller devant nous, à l'aise, et de courir, nus comme des vers dans leur "piscine naturelle".
Eux: " vous venez? L'eau est excellente, et ça fait du bien après ce trajet!"
Nous, d'un air entendu - encore un rare moment - : "Euh... Non, ça ira comme ça."
Nous nous voyons difficilement nous déshabiller avec la même désinvolture, et ne comptons pas non plus chercher nos maillots de bain... Pendant qu'ils faisaient leurs zouaves, Zo se repose dans la voiture, pour ma part, je pars discuter avec des enfants curieux de savoir où nous nous rendons.
Les hommes reviennent, le soleil se couche, et il nous reste encore quelques heures de route.
A Manoy (cliquer pour agrandir)
Suite: Arrivée à Morombe