Profession: tailleur de pierres
L'artisanat, c'est la première entreprise de France, comme a la coutume de dire leur slogan. Elle bat souvent campagne pour attirer des personnes potentielles, souffrant de son image de travail manuel, mais même la dextérité a besoin du cerveau. Ces métiers ne nécessitent pas de longues études supérieures certes, mais on a l'assurance de trouver un emploi. Dans ce cas précis par exemple:
Trouver un emploi n’est pas un souci pour les tailleurs de pierre. Dans un contexte de pénurie de main-d’oeuvre qualifiée, ils ont l’embarras du choix. (Source: Orientation & Formation)
A Madagascar non plus, ils n'ont pas grande difficulté à se faire embaucher, et sans restriction d'âge. Mais leurs conditions diffèrent et m'ont particulièrement frappée.
Qui sont-ils? La plupart du temps, des familles entières, ne possédant aucune terre à cultiver, ayant à peu près tout essayé pour s'en sortir, souffrant de la misère au jour J. Soit, de nombreux Malagasy deviennent tailleurs de pierre.
Aussi, en ai-je vu profiter du moindre m3 de granit pour en tailler, parfois bien loin de véritables filons d'exploitation, tout juste au bord de la route, comme à Ste-Marie. Il faut dire qu'il ne faut pas grand-chose pour devenir un tailleur de pierres à Madagascar, un pic et une masse suffisent, qui sont même fournis par l'employeur lorsqu'il s'agit d'une véritable carrière (de pierres).
Aussi, n'étais-je pas étonnée de voir se multiplier à Antananarivo les enceintes de murs en pierre, que ce soit de nombreuses propriétés privées ou de bâtiments urbains, remplaçant les tamboho traditionnellement en briques. Les utilisations sont innombrables: mur de soutènement, terrasses, j'ai même noté de magnifiques piliers massifs bordés le portail d'une villa sur la route d'Ambohimanga, bancs, marches, pavés, etc...
Les novices et ceux qui manquent de talent taillent les moellons ainsi que des pièces diverses jusqu'au gravier. Tandis que les véritables artisans préparent de réels ornements.
Ce sont surtout les conditions de travail qui m'ont vraiment frappée. Des familles entières donc, dont des enfants en bas âge, sans traitement de faveur aucun, si ce n'est peut-être la taille des masses ou des bouchardes. Sans protection bien entendu (là, je fais mon discours de Malagasy européannisée, je l'assume), à se demander comment ils font pour éviter toute projection, sous un soleil de plomb, et parfois sans boire ni manger, faute de pouvoir si l'employeur ne le propose pas... Employeur qui souvent, propriétaire du terrain, occupe un autre poste, bien loti tant qu'à faire, absent toute la journée, loin de ces préoccupations.
Non, je ne suis pas éprise d'un soudain altruisme (je l'ai toujours été, voyons), ni frappée de démagogie et l'on peut dire qu'au delà de l'adage "Il n'y a point de sot métier", dans la Grande Ile, tailleur de pierres apparaît bien comme un métier ingrat des pauvres (euphémisme?), des nécessiteux, qu'importe le terme, seule leur situation parle explicitement; juste que j'ai eu l'occasion d'assister à ces scènes, sans pour autant me vanter de m'être déplacée loin pour cela, une proximité géographique peut suffir.
En effet, à Madagascar, les noms ont pour la plupart du temps une signification, qu'il s'agisse du nom de famille ou encore celui des quartiers. Il n'est donc point étonnant de rencontrer des carrières de granit dans des quartiers au nom de prédiction comme Ambatobe (Gros rochers) ou Ambatomaro (où il y a beaucoup de pierres/roches). Voir sur Wikimapia.
Et les prix sont intéressants sur place! C'est bien peut-être le seul avantage... Pour celui qui se trouve de l'autre côté du miroir.