L'île rouge brûle
Cela fait longtemps que je voulais aborder le sujet de la déforestation à Madagascar ainsi que les feux de brousse qui en sont une des principales causes avec le charbon de bois. Le sujet s'active encore plus après avoir lu un des articles qui m'aient le plus marquée cette semaine:
Source: Earth Observatory - NASA
Cliquer pour agrandir la photo, c'est édifiant!
Tel expliqué sur le site de la NASA, cette photo a été prise le 06 novembre dernier par le spectroradiomètre MODIS du satellite Aqua.
Oui, les points rouges correspondent bien à des doron-tanety, feux de brousse parfois d'une étendue plus qu'inquiétante si l'on considère l'échelle de 1/100km. On note bien entendu et hélas une forte densité autour et dans la dernière frange de forêt primaire que compte Madagascar, soit le long de la côte Est. Une chose qui m'a frappée: le reste de l'île n'en reste pas moins épargnée, notamment dans des zones de végétation déjà rase. L'île rouge brûle, se consume!
Mais quel glas allons-nous encore attendre d'entendre? Que dénonce cette photo? L'inconscience des Malgaches qui, décidément, ne trouvent pas d'autres moyens que de détruire pour des cultures sur brûlis sa ressource verte, sa réserve d'oxygène, l'eden de sa faune et flore, ou encore le sanctuaire de ses symboles? Beaucoup le pensent, en sont convaincus, mais n'ont pas tout à fait tort, ni tout à fait raison.
Prenez ceci comme un témoignage, ça a fait partie de mes expériences initiatives.
L'occasion m' a été donné de collaborer quelques semaines avec l'agence de WWF basée à Sakaraha (proche de Toliara), gérant le Parc National de Zombitse-Vohibasia non loin, avec notamment mes deux colocs de l'époque partageant les mêmes intérêts que moi. Nous n'étions pas là pour un thème ou une matière qui d'entrée aurait pu être l'écologie ou l'environnement mais c'était: les sciences humaines.
Au programme: camping dans la propriété de WWF avec pour seule source d'eau un puits avec lequel il fallait faire très attention car des cas de bilharziose ont été détectés dans le village, présentation avec tous les acteurs du projet environnemental initié par WWF pour la gestion et la protection de ce parc national situé non loin des mines à saphir et son lot d'engoués frénétiques, respectueuses salutations du chef du village, observations sur terrain des infractions commises dans le parc, et dialogue avec les-dits contrevenants lorsque c'était possible.
Ainsi, le directeur de l'agence WWF nous a fait découvrir le parc, enfin une partie car il demeure étendu, couvrant une surface de 36 000 Ha.
Puis très vite, nous avons repéré des parties illégalement défrichées dans cet ilôt de verdure dans une région semi-aride considérée comme l'une des plus pauvres de Madagascar. En effet, par définition, un Parc National est un lieu protégé où toute exploitation doit être interdite. Dans la théorie, sur le terrain, d'autres règles priment. Ainsi, y avons-nous vu des mini-champs de culture, de maïs notamment. Que faire? Les détruire? Les agriculteurs faucheurs recommenceront ailleurs, et ça fera encore plus de forêt menacée. Ils brûlent la forêt, la terre est prête pour être cultivée sans avoir besoin d'être travaillée, et une fois la récolte finie, la terre appauvrie, on recommence l'opération un peu plus loin.
Il faut savoir que dans l'histoire, le gouvernement a paraît-il proposé des centaines d'hectares gracieusement mis à disposition des villageois désirant cultiver, situés en face du parc, seule la route nationale 7 les sépare. Oui, mais de l'autre côté de la route, c'est le décor typique du sud-ouest de l'île: sec, semi-aride.
Aussi, la méthode est-elle aux réprimandes, aux arrestations des villageois pris en flagrant, qui selon, doivent s'acquitter d'une amende, voire croupir 2 à 3 mois en prison. Mais une fois le dos tourné, ils recommenceront, encore et encore.
C'est là où la notion de sciences humaines prend toute sa définition... Bon, si la sanction n'apporte pas les fruits escomptés, essayons le dialogue. Encore un, récidiviste, qui s'est fait prendre en train d'allumer un feu. Pas de menottes aux poings, juste encadré, et nous essayons d'entamer la conversation, chercher à comprendre pourquoi il a enfreint la loi une fois de plus.
Un homme, d'une trentaine d'années, vous répond furieux qu'il n'a d'autre choix pour nourrir sa famille, nourrir sa famille, en frappant du poing "ne pas crever de faim", "ne pas crever de faim", "ne pas crever de faim", "oui, ne pas crever de faim, encore et encore", et que pour cela, il n'en a rien à faire de la terre proposée par l'état qui est aussi sèche que la paume de sa main sans auncun outil pour la labourer ni aucun moyen pour l'enrichir, et que pour manger, il doit cultiver le peu qu'il peut, où il peut. Mais malgré cela, sa famille n'en voit pas le bout.
Je ne sais pas vous, mais personnellement, je suis restée sans voix, et j'ai ravalé ma colère d'écolo face à la destruction de la nature, de ce pays qui est et le sien et le mien. Dialogue tournée court, nous n'y étions pas préparés. Sciences humaines donc.
Nous en avons vu défiler plusieurs ainsi, l'unique leitmotiv de cette destruction massive demeure, encore et toujours, de pouvoir manger au jour le jour. Il n'y a rien à blâmer ni sanctionner. Pourtant, l'heure n'est pas au fatalisme, il faut agir et vite.
Aussi, face à la dénonciation des acteurs de la déforestation à Madagascar, de ces responsables de la perdition de nos ressources naturelles, de ces allumeurs de feux de la faim, de ces Malgaches ces inconscients, la solution ne pourra venir que d'une prise de conscience, d'une concertation mais surtout d'actions concrètes visant à proposer rapidement des alternatives de source d'énergie, des moyens pour exploiter les terres, ainsi qu'une sensibilisation et éducation pour irradier la solution dite facile des cultures sur brûlis. Ce qui fait déjà un nombre d'idées de projets sur lesquels se pencher.
Voir la fiche du Parc National de Zombitse Vohibasia
Lire l'action de WWF dans ce parc
Lire les actions de conservation environnementale de WWF à Madagascar
Lire l'appel aux volontaires (tiens, ça me dirait bien de réitérer l'expérience) pour Madagascar
Découvrir un super site: Flash Earth, où les images proviennent de Google Maps, de Yahoo Maps, de Windows Live Local, de Ask.com Maps, d'Open Layers et pour le bouquet final celles de la NASA
Allez, encore une fois, pour la route, cliquer pour agrandir: